À l’école Sainte-Marie de Saint-Boniface, les soixante-dix élèves de 6e année font partie d’un seul groupe, sous la conduite de trois enseignants qui se partagent les matières. Baptisée le « mini secondaire », cette nouvelle façon de faire a été mise en place cette année et elle donne des résultats insoupçonnés.
En arrivant le matin, les élèves de 6e année font comme leurs homologues du secondaire : ils consultent leur horaire et changent de local selon leurs cours. Il y a la lecture en français et l’univers social dans la classe de madame Carine, les mathématiques et les sciences avec monsieur Mathieu et, finalement, l’écriture et l’éthique et culture religieuse avec madame Cindy. Chaque semaine, ces élèves ont une période où ils sont tous réunis. Tout le programme du ministère est enseigné ; c’est la répartition qui est différente. « On voulait avoir une seule classe de 6e année, c’était notre rêve », dit l’enseignante Cindy Boulanger. Elle constate qu’un fort sentiment d’appartenance a été créé et qu’il motive les élèves à venir à l’école. « On coopère mieux, on apprend à se connaître. D’habitude, trois classes, on ne se voit pas trop, on est moins connectés », énonce Kassandre Blais.
Le défi était surtout d’ordre logistique : presque la moitié des enseignants de l’école ont dû changer de niveau ou de local pour y arriver. Il y a eu de la résistance, mais les trois enseignants ont travaillé sans relâche pour tout coordonner. Le directeur Stéphane Lajoie les a accueillis avec intérêt, conquis par l’approche pédagogique des trois enseignants. « Ils répondent à un besoin des 6e année, qui en ont assez d’être au primaire et qui ont hâte d’être considérés comme des préadolescents, et c’est ce que ces enseignants font ».
Plus de responsabilités et de meilleurs résultats
Les élèves savent qu’ils participent à construire une nouvelle forme d’enseignement et ils sont motivés par ce défi. Les moments où ils sont tous ensemble représentent un privilège et cela amène plus d’autonomie chez les jeunes, nous explique Mathieu Bellemare. « Qu’on aille dans le gym ou qu’on fasse les mots de vocabulaire, ils savent qu’ils doivent faire preuve d’autocontrôle s’ils veulent être ensemble. » Résultat : il y a moins de gestion de comportement, malgré le fait que l’école Saint-Boniface soit une école bénéficiant d’éducateurs spécialisés. Des élèves y viennent spécifiquement parce qu’ils ont des problèmes de comportement. Mais ça ne se produit plus dans le « mini secondaire », s’étonnent les enseignants.
Quant aux élèves, ils n’y voient que des effets positifs. « Comme j’ai trois profs, les trois m’encouragent, c’est dynamique », affirme Mathis Bastarache. Son collègue William Bournival ajoute : « Mes notes vont beaucoup mieux parce si je n’ai pas compris, je vais voir un autre prof qui m’explique différemment. » Pour Simon Quessy, c’est le changement de classe qui l’aide à se concentrer : « À rester dans la même classe toute la journée, je deviens fatigué, mais là je change de classe, j’ai de nouveaux professeurs, de nouvelles façons d’apprendre, c’est bien. »
L’union fait la force
Les enseignants et les élèves ont nommé leur groupe « équipe de feu », un nom inscrit sur des tasses et des chandails offerts en cadeau par les parents. Il y a même une cape de feu, qui est portée par Camille Perron au moment de notre passage. Elle précise que « chaque semaine, il y a de nouveaux élèves qui portent la cape, des personnes qui se sont dépassées, qui sont autonomes ou qui ont fait quelque chose de spécial qui a marqué les professeurs ». Il y a aussi la cloche de la bonne action, qui est sonnée pour souligner l’action d’un camarade et qui provoque un rassemblement général festif immédiat.
Des bénéfices pour les enseignants ?
Les trois enseignants à l’origine de cette initiative s’accordent à dire que leur charge de travail a diminué et qu’ils ont davantage d’énergie. Les tâches sont divisées, permettant à chacun de se concentrer sur l’enseignement de leurs matières et d’en devenir les experts. Carine Samson ajoute qu’elle sent énormément d’affection et de reconnaissance de la part des élèves, qui la remercient parfois à la sortie d’un cours. Les trois enseignants sont encore surpris par la transformation qu’ils vivent grâce à leur idée. Est-ce que ce modèle pourrait être repris dans d’autres écoles ? « Absolument », affirment-ils à l’unisson.